Curating #1 - Papiers choisis
Modeste et fragile, le papier est souvent le lieu du premier jet créateur de l’artiste, tant au fil de sa formation que dans la maturation de son œuvre. Cette simplicité presque triviale n'amoindrit en rien la noblesse de ce medium millénaire présent dans les civilisations les plus anciennes.
Par leur taille, la souplesse et la délicatesse du toucher qu’elles provoquent, les œuvres sur papier permettent d’être au plus prêt du tracé. Elles deviennent le lieu de l’intime, comme si la fragilité du médium imposait ses thèmes aux artistes qui le pratiquent.
La feuille de papier est aussi le support d’une multitude de techniques. Du fusain à l’aquarelle, de la sérigraphie à la lithographie, du collage au tracé sur ordinateur, ces divers procédés montrent l’infinité de possibilités qu’offrent le papier.
Choisissant d'investiguer le champ du papier et d’affirmer sa place dans l’histoire de l’art, nombre de collectionneurs (Prat, Guerlain), de galeries (de Bayser) ou encore de foires (Drawing Now Art Fair) en ont fait leur préoccupation artistique principale.
L’exposition Curating #1 - Papiers choisis invite ainsi ses membres et visiteurs à découvrir quelques œuvres sur papier issues du catalogue d’Artransfer en mettant l’accent sur trois techniques : le dessin, le collage et l’estampe.
Le dessin
La spontanéité du trait qui caractérise la pratique du dessin emprunte deux voies. Certains artistes font de la feuille le réceptacle d’une esquisse préparatoire rapide, quand d’autres choisissent d’y tracer un dessin déterminé et précis. Si chacune de ces voies produit une œuvre autonome, l’intention de l’artiste et la vocation qu’il donne à son dessin sont importantes à saisir.
Malgré cette dualité, tous les dessins ont un point commun : l’économie de moyens. En effet, seuls sont nécessaires une feuille plus ou moins épaisse et un crayon ou un stylo pour coucher sur le papier le geste artistique. C’est ainsi que surgit l’élan vital qu’a l’Homme à dessiner, de tous âges et en tous temps, des dessins d’enfants aux schémas scientifiques les plus élaborés.
On ne peut se lasser de regarder ce dessin de P. Nicolas Ledoux tant il est impossible de le saisir du premier coup d’œil. Empruntant à l’esthétique de la bande-dessinée l’artiste a réalisé une multitude de personnages et de détails qui fourmillent sur le papier. S’ils ont chacun une existence propre et pourrait fait l’objet d’un dessin unique, ils prennent tout leur sens en étant intégrés dans ce joyeux brouhaha. Aurait-on imaginer que sur une même feuille de papier se côtoient à quelques centimètres d’écart le grand maître espagnol Pablo Picasso et le chanteur de métal Marilyn Manson ? Non, sûrement pas, mais c’est dans ces confrontations que résident le génie et l’inventivité de P. Nicolas Ledoux capable de mêler des univers en apparence opposés.
« Dessiner par l’ombre et la lumière, quelle merveille de séparer la lumière des ténèbres. »
— Martial Raysse
Le collage
L’art du collage est indéniablement la technique du XXe siècle. Né des papiers découpés de Braque et Picasso et des photomontages dadaïstes de Hannah Höch, le collage s’est imposé comme une pratique autonome dès les années 1910.
En mêlant des éléments hétéroclites, il confronte des univers différents forcés à cohabiter sur une même feuille. De cette rencontre non désirée naît une nouvelle voie, celle d’un sens renouvelé.
« Maintenant, j’ai de nouveau recours au trait ; qu’il rassemble, qu’il capte les vacillants impressionnistes. Qu’il soit l’esprit dominant la nature. »
Paul Klee
L’estampe
Essentiel pour la diffusion et la formation, l’estampe embrasse de grands pans de l’histoire de l’art, des gravures des Grands Maîtres de la Renaissance aux lithographies d’art contemporain. Au-delà de l’évidente démocratisation que l’estampe permet, c’est avant tout une technique complexe et inédite, reflétant l’époque dans laquelle elle s’insère.
A la manière d’un Warhol qui voulait peindre comme une machine, la sérigraphie offre par exemple un art adapté à la surproduction de nos sociétés contemporaines.
« La nuit était papier, nous étions encre. »
— Miguel de Cervantès
Cette sérigraphie de Mounir Fatmi nous invite à pénétrer l’intérieur d’un crâne. Le cerveau y est remplacé par des entrelacs de courbes et contre-courbes qui enserrent les chiffres de 1 à 6. Il s’agit d’une partie d’un verset du Coran dont la traduction pourrait être « Est-ce qu’ils se ressemblent, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ». Mounir Fatmi fait partie de ces artistes qui ont fait de l’art le canal de communication de leur engagement. Ce motif est devenu un symbole du travail de Mounir Fatmi. Il réalisa cette coupe de crâne à différentes occasions et à l’aide de divers médiums comme en 2008 pour l’exposition Traces du sacré du Centre Pompidou où il en fit une grande peinture murale.